Débat

Le langage

 Quelques lecteurs, ici, ici et nous ont reproché l'usage de termes "actuels" et "anachroniques". L'exemple qui revient : Cochise affirme aux soldats que son peuple ne se laissera pas déporter à "Pétaouchnok-les-Bains, comme les autres tribus".



Il n'y a rien de logique, selon nous, à utiliser des vieux mots pour faire parler des gens qui ont vécu il y a longtemps. Pour communiquer entre eux, à leur époque, ils utilisaient des termes modernes. Pourquoi créer une mise à distance avec nos personnages en ayant recours à un vocabulaire aujourd'hui désuet, alors qu'on a de l'empathie pour eux et qu'on se sent proche de ce qu'ils vivent ? Quand on raconte leur histoire, on se met à leur place.
Cette démarche avait déjà cours dans notre précédente BD, Yékini le roi des arènes (éditions Flblb). Les Sénégalais ont un vocabulaire autrement plus riche que celui qu'on a utilisé pour les faire parler et s'expriment plus poliment.


Une hagiographie ?

Pour certains, Geronimo est présenté d'une façon trop positive dans notre BD, un héros qui n'aurait aucun défaut. Ils ont en partie raison, dans la mesure où nous adaptons librement ses mémoires, c'est à dire un texte dont il est l'auteur (oral). Il ne se donne pas spécialement le mauvais rôle. 
Cependant, il raconte quand même, et c'est présent dans la BD, qu'il a massacré des otages innocents pour se venger des soldats (après l'épisode de la tente). Il avoue également avoir, lorsqu'il était pourchassé avec quelques membres de sa tribu, exterminé de nombreux civils "pour le simple plaisir de tuer". A la fin de l'ouvrage il explique à Barrett avoir été invité à l'exposition universelle de Saint Louis et décrit d'une façon assez méprisante certains peuples qui y participaient. Des individus "qui ne portaient presque rien sur eux" à qui on n'aurait "pas dû permettre de venir" et qui "essayaient de faire de la musique mais je crois que c'était seulement du bruit"...
 ... Un jugement assez proche de la manière dont les soldats considéraient les Indiens.





GERONIMO, un metteur en scène génial

En travaillant plus en détail sur le texte de Geronimo, tel que recueilli par S.M Barrett, on s'est rendu compte qu'en plus d'avoir un talent de conteur, certaines scènes bénéficiaient d'une mise en scène, d'un agencement, assez incroyable. L'air de rien, en avançant par cercles concentriques qui semblent s'entraîner logiquement, Geronimo endort notre vigilance et tisse sa toile. 
Par exemple, quand il parle de la chasse, une activité qu'il adorait et qui était extrêmement importante dans sa culture. Il explique en détail et avec gourmandise, comment on chasse tel gibier, puis tel autre. La valeur du gibier semble croître au fur et à mesure, on en arrive à l'aigle très dur à chasser, aux lions des montagnes et autres bêtes féroces. Il termine son paragraphe sur : "Jusqu'à ma majorité je n'ai jamais vu d'hommes blancs. C'est ainsi que vivaient, tranquilles, les Apaches".
C'est le genre de petite merveille d'humour qu'on a essayé de préserver.
Geronimo est devenu un personnage récurent de la culture "occidentale", on ne compte plus les romans, films et séries dans lesquels il apparaît. En général on lui fait endosser un rôle ultra valorisé dans nos sociétés, celui de l'individu qui se bat seul contre tous. Concernant Geronimo, ce cliché n'est pas entièrement faux, il s'est effectivement opposé au delà du possible et du raisonnable aux USA, défiant, à la tête d'une quarantaine d'hommes sous armé, un tiers de l'armée américaine (environ 5000 soldats).

Mais c'est une vision extrêmement réductrice du personnage. Un effet de mise en scène nous a  beaucoup interpellé à la lecture de ses Mémoires. Avant de parler de lui et de son histoire, il se situe dans un contexte plus général. Mythologique, pour commencer, avec la création des hommes et plus particulièrement des Indiens. Il décrit ensuite les liens qui les unissent à leurs terres de l'Ouest, dont ils sont indissociables. Puis il mentionne les différentes tribus d'Apaches, terminant son lent travelling par la sienne, les Apaches Bedonkohés. On trouvait ce mouvement assez beau, en contradiction avec des valeurs individualistes souvent exacerbées.

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